Photos par Kévin Métallier Texte par Bastien Duverdier
Ordos ! Si ce nom ne signifie encore rien pour vous, sachez juste qu’il ne s’agit ni d’une nouvelle marque de lave-linge, ni du dernier modèle d’un fabricant automobile sud-coréen, pas plus que du nouveau tube de Francis Lalanne… Ces 5 lettres mises bout à bout forment le nom d’une nouvelle mégalopole chinoise construite en Mongolie Intérieure et qui ne devrait plus tarder à devenir le nouvel eldorado du skateboard mondial… Il y a quelques mois, avant que le froid ne vienne reprendre ses droits dans cette région située en bordure sud du désert de Gobi, Korahn Gayle, Daniel Pannemann, Alex Mizurov, Antony Lopez, Bastien Duverdier accompagnés du photographe Kévin Métallier et du filmeur Jérémy Hugues, sont partis à la découverte de cette étrange mégalopole chinoise sortie de terre en quelques mois à peine…
La nouvelle ville d’Ordos érigée par le gouvernement chinois demeure encore étrangement vide. Prévue pour accueillir près de 3 millions de migrants venus des quatre coins du pays, on ne dénombre à l’heure actuelle pas plus de 30 000 résidents. Résultat, une mégalopole aux allures de décor de cinéma où rien ne semble réel tant tout demeure dramatiquement vide et dépourvu de vie. En arrivant aux abords de cet impressionnant mirage urbain, un invraisemblable « copié-collé » d’immeubles s’étend à perte de vue. D’immenses avenues désertes serpentent entre des forêts de buildings flambants neufs inhabités. Des musées aux formes futuristes, fruit d’un délire architectural sans limites, défient d’innombrables statues et autres monuments grandioses dédiés à la gloire de vieux guerriers mongoles qui ressurgissent soudainement de l’amnésie d’une histoire maîtrisée. Une démesure qui s’étend sur plusieurs centaines de Km2 et qui ne cesse de gagner du terrain… C’est au cœur de cette métropole fantôme made in China que nous avons choisi d’aller faire du skateboard. Une expérience qui s’avèrera exceptionnelle tant Ordos renferme à elle seule tous les ingrédients essentiels à la naissance d’un incroyable street park virtuel géant … à un seul petit détail prêt… ici tout est bien réel. Selon les chiffres officiels, Ordos compterait 300 000 habitants ?
Une fois sur place il suffit de jeter un coup d’œil par la fenêtre, pour comprendre qu’ils se sont sérieusement enflammés sur le nombre de zéros. Rares sont les passants que l’on a croisés dans cette ville.
Les forêts de gratte-ciels, les immenses centres commerciaux flambants neufs, les parcs géants, ici tout est complètement vide ! Tant et si bien qu’à minuit ils coupent toutes les lumières de la ville d’un coup d’un seul. Alors si jamais tu promènes ton chien le soir à Ordos, pense à prendre une lampe torche, ça peut servir. En réalité, les seules personnes qui vivent là sont les balayeurs qui astiquent la ville toute le journée, et les ouvriers qui se tuent à la construction de nouveaux buildings. Mais n’imaginez surtout pas qu’ils profitent du fruit de leur travail, bien au contraire, eux, on les parque dans des campements austères, ambiance poulet en batterie du KFC, c’est ça aussi la Chine. Ordos est à l’image du savoir-faire chinois. Parfois les rues ont des allures de maquettes miniatures, mais version géante. Tout est beau de l’extérieur, mais c’est tout. En s’approchant on se rend vite compte que c’est du toc, du faux ! Ils s’inspirent des décors les plus nobles et les reproduisent vite fait mal fait en carton-pâte. Je ne m’accouderai pas au balcon du 39eme étage d’un de ces buildings flambant neuf, ni du 1er d’ailleurs. Ici il n’y a que des spots « mono usage », après la session, c’est fini, il est à jeter. Thaynan a cassé au moins trois rails pendant notre séjour ; bon faut bien admettre qu’il ne rigole pas du tout sur les mains courantes le jeune, mais la vraie raison c’est surtout qu’il n’y rien qui tient vraiment debout, et la plupart des matériaux utilisés pour la construction sont bon marché et de très mauvaise qualité, ceci explique cela.
Bref, il ne reste plus qu’à les faire fondre et en construire d’autres. Ici, j’irai même jusqu’à dire que si tu cours très vite, tu devrais réussir à traverser les murs…
Niveau skateboard, Ordos réuni tous les paramètres pour que des méchantes sessions arrivent tous les jours.
D’abord il fait entre 20° et 24° (bon surtout l’été, l’hiver il faut retirer une bonne quarantaine de degrés au thermomètre, donc ne vous trompez surtout pas de saison si vous décidez d’aller y faire un tour), optimal donc, on est en plein désert donc il fait sec, tous les spots sont en marbre, les places sont immenses, parfait pour les combinaisons de manual qui rapportent un max de point et font
monter la jauge de « spécial ». Et puis les seules personnes que tu croises ne connaissent pas le skate, alors ça les fait trop marrer de te voir faire une tranche en flip par exemple. Grâce à ça, nous avons pu skater une banque pendant deux heures en prenant l’élan depuis l’intérieur des bureaux, avec le vigile qui nous tenait la porte. Et accessoirement, je me suis défoncé la cheville, ce qui m’a valu le plaisir de découvrir la ville en fauteuil roulant (et ça y’a pas dans Tony Hawk Pro Skater). Pour ceux qui ne font pas de skate et qui ne parlent pas un mot de Chinois, si en plus vous débarquez en plein hiver par -30°, on ne va pas vous mentir, la vie à Ordos c’est nettement moins folklorique. Il y a rapidement moyen de se caler une petite dépression nerveuse. Sachant en plus qu’il n’y a qu’un seul bar avec jamais personne dedans à part le patron et sa famille, que Google, YouTube et Facebook sont censurés et que vous êtes au milieu d’un désert… le temps pourrait éventuellement vous paraitre un peu long. A part si vous êtes architecte, alors là c’est la fiesta, vous avez carte blanche ! Dessinez n’importe quoi sur un coin de table, filez ça au maitre d’œuvre, et dans les deux ou trois ans, je vous promets que ça sort de terre !
C’est aussi ça la magie du Made In China !
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